Gentrification et paupérisation au cœur de l’Île-de-France

Les inégalités se creusent en Ile-de-France : tandis que les quartiers aisés continuent de s’enrichir, des « secteurs urbains entiers » font face à une « paupérisation absolue », selon l’étude Gentrification et paupérisation au cœur de l’Île-de-France publiée lundi 3 juin par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU). À partir de statistiques sur les revenus, les logements, les types de ménages, etc., elle souligne comment les inégalités se sont accélérées depuis une quinzaine d’années en région parisienne.

 

Le recul de la mixité sociale

 

Les multiples politiques de la ville n’ont su refréner ni les inégalités entre individus, ni celles entre départements, communes et quartiers. Si l’Ile-de-France est de longue date « la région où les inégalités sont les plus marquées, du fait de la concentration de populations très aisées », ce phénomène s’accentue depuis le début des années 2000. Il reste certes d’importants « espaces mixtes » où se mélangent les différentes catégories sociales et où vivent un tiers des ménages franciliens (Colombes, Asnières, Clamart dans les Hauts-de-Seine, Joinville-le-Pont dans le Val-de-Marne). Mais l’étude montre surtout « une polarisation toujours plus marquée entre les secteurs aisés et les secteurs pauvres ». L’IAU met en avant l’antagonisme croissant entre d’un côté des « ghettos de riches » de plus en plus clos sur eux-mêmes, et de l’autre, des « ghettos de pauvres » qui s’enfoncent dans les difficultés.

 

La consolidation des territoires de la richesse

 

Les territoires aisés poursuivent leur enrichissement. La part des ménages ayant les revenus les plus élevés s’est accrue dans les zones les plus riches de la région (par exemple, à Paris, dans les 7ᵉ et 8ᵉ arrondissements de Paris, mais également en banlieue comme à Vincennes). « 4 ménages sur 10 qui ont emménagé depuis moins de cinq ans sont des actifs dont la personne de référence est cadre », une proportion bien plus importante qu’ailleurs, « attestant d’une difficulté à s’y installer pour les plus modestes au regard des prix des logements et des loyers ». Les prix de l’immobilier expliquent en partie que « l’entre-soi » devienne aussi net dans les territoires aisés. En Île-de-France, le prix des logements anciens a été en moyenne multiplié par 3 entre 1999 et 2018, tandis que le revenu des ménages a progressé de moins de 50 % sur cette période.

 

En outre, les territoires aisés s’élargissent à des zones limitrophes moins cossues. La hausse des prix des logements amène, en effet, un phénomène de « gentrification ». Les jeunes cadres, les « bobos », les couples qui ont un deuxième enfant, etc., s’intéressent à des quartiers moins centraux. Ainsi, le quart Nord-Est de la capitale et quelques communes de banlieue telles que Bagnolet, Pantin, Romainville ou Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) se sont peu à peu embourgeoisés. Néanmoins, ce changement de statut ne concerne parfois que certains quartiers. Si à Montreuil (Seine-Saint-Denis), par exemple, la situation s’améliore dans les rues les plus proches de la capitale, elle « se détériore à l’est ». A Paris même, l’enrichissement général de la ville jure avec la dégradation du niveau de vie à la lisière de la Seine-Saint-Denis, où se trouvent les anciens immeubles à bon marché, près du périphérique.

 

Une « paupérisation absolue des territoires les plus pauvres »

 

Dans 44 des communes parmi les plus pauvres de la région (territoires bleutés sur la carte), où vivent 15 % des Franciliens, la baisse du revenu médian en euros constants s’est poursuivi entre 2001 et 2015. C’est notamment le cas à Grigny (Essonne), Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), Clichy-sous-Bois, Aubervilliers et Bobigny (Seine-Saint-Denis). Les cadres sont toujours aussi peu nombreux à s’y installer. Par ailleurs, dans ces communes, 6 ménages sur 10 nouvellement installés ont une personne de référence née à l’étranger. Dans ces villes, « la concentration d’actifs peu qualifiés, souvent immigrés, plus exposés à la montée du chômage et aux emplois précaires, [ainsi que] l’augmentation du nombre de familles monoparentales, contribuent à la stigmatisation et à la détérioration des situations financières des résidents ».

 

Peu de communes pauvres arrivent à sortir de cette spirale de paupérisation. L’IAU cite néanmoins, entre autres, les cas de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) et de Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise) où la pauvreté a reculé : deux communes qui ont beaucoup construit, en développant la propriété et le parc locatif privé. « Ces exemples montrent que la construction et les choix des types de logements nouvellement offerts sont des leviers de transformation sociale ».

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